Depuis les attentats de 2005 à Londres et ceux de 2015 et 2016 à Paris, la préoccupation
des autorités publiques pour les phénomènes de basculement de jeunes français
d’origine magrébine dans la violence politique de type terroriste ainsi que la focalisation
de la presse sur ce sujet ont fortement réhabilité la notion de radicalisation. En
France, les pouvoirs publics ont immédiatement mis sur agenda la « lutte contre la radicalisation
» et déployé d’importants moyens juridiques, institutionnels et financiers1. Dans le
monde académique, alors que cette notion était presque inexistante dans les deux principales
revues anglo-saxonnes consacrées au terrorisme (Terrorism and Political Violence et Studies
in Conflict and Terrorism), elle occupe désormais une place centrale : 3 % des travaux publiés
sur le terrorisme étaient centrés sur cette notion entre 1980 et 1999, ils sont 77 % à en traiter à partir de 2006.
Si les études sur les violences de terrorisation3 ont longtemps privilégié une
approche historique ou centrée sur les structures de lutte, les interactions avec l’État ou les
évolutions doctrinales comme grille d’explication de la violence, elles n’ont guère pris en
compte la subjectivité des acteurs, les itinéraires biographiques ou les constructions psychologiques
qui mènent à la lutte armée.
À l’inverse d’une approche en termes de basculement, on défendra donc une analyse processuelle
de la radicalisation, présentée ailleurs3, où le «puzzle des pièces »4 qui permettent d’en comprendre
la logique répond à une mise en scène chronologique qui puise dans les itinéraires biographiques
des acteurs étudiés. Seule cette approche processuelle est à même de mettre en résonance les causes
structurelles et les choix individuels qui construisent un parcours militant de plus en plus violent.