Dans le cadre de ses réflexions thématiques, France Culture nous permet de revenir sur l’histoire de la laïcité. Pour cela, la présentation borne cette histoire entre le milieu du 18ème siècle et la première moitié du 20ème siècle avec le réformateur Mustafa Kemal Atatürk.
A raison de 10 minutes par grande figure, ce voyage commence par proposer tout d’abord d’éclairer les conditions d’écriture du traité de la tolérance (1763). Écrit à partir de l’affaire Calas, ce calviniste fut condamné et supplicié à tort par un tribunal que Voltaire va considérer comme issu du fanatisme religieux. Le philosophe des lumières va dénoncer un tel jugement pour prôner l’indulgence et la tolérance contre ces dérives de la croyance. La rétrospective historique fait ensuite un bon en avant de plusieurs décennies pour baliser les prédécesseurs de la loi de 1905 poussée par Jean Jaurès et défendue à l’assemblée nationale par Aristide Briand. Entre 1848 et 1851, l’auditeur retrouve Victor Hugo. Alors député à la chambre des pairs, il s’éloigne progressivement du parti conservateur, lutte contre le pouvoir des clercs, exige une instruction gratuite, une liberté d’enseignement sous l’œil de l’état laïc ainsi qu’une séparation de l’Église et de l’État. Clémenceau, radical de gauche, présenté comme un combattant sur les plans militaires et politiques, poursuivra ce travail sur la fin du 19ème siècle. Face à Pie IX, il contribua à laïciser et séculariser la société par étape. Aristide Briand, sur sollicitation de Jean Jaurès, fera passer la proposition de loi en juillet 1905 après avoir bataillé contre les deux courants opposés de l’époque. D’un côté les conservateurs catholiques, qui perçoivent dans cette loi un risque d’affaiblissement de leur dogme ; de l’autre, les extrémistes de gauche qui y verront encore trop de concessions en faveur de l’Église. Parallèlement, Jean Jaurès prônera de fermer à l’Église les portes de l’Ecole, elle-même chargée de faire passer la raison et de mettre les élèves à l’abri des dogmes. Son intervention essentielle à l’assemblée nationale, 4h00 de discours !, consistera à faire passer son message contre la droite catholique tout en persuadant l’autre bord de l’échiquier politique d’accepter une modération dans les méthodes employées pour éviter l’oppression par la force. La loi sera voté en juillet 1905avant que de nouveaux débats surviennent l’année suivante.
En 1924, Ataturk arrive comme réformateur et créateur de l’État Turc. Après la chute de l’empire ottoman et la fin de son califat, ce dirigeant politique n’a pas, à proprement parler, créé un état laïc. Toutefois, Mustapha Kemal a contribué à bien d’autres avancées allant dans le sens de la séparation de l’Église et de L’État ainsi que de la nationalisation de l’Islam. Sous prétexte d’élever la foi islamique en la libérant de la politique, il va promulguer la création d’écoles de prédicateurs pour inculquer une conception progressiste de l’Islam ; nommer les imams par la direction des affaires religieuses ; interdire les puissantes confréries soufies ; financer les cultes ; fonctionnariser les oulémas. Sa position est anticléricale et en quelques années il va : émanciper les femmes sur le plan juridique ; leur donner le droit de vote (bien avant la France) ; créer des écoles publiques à la place des écoles coraniques ; remplacer l’alphabet arabe par le latin ; changer les poids et les mesures ; le calendrier ; les tenues vestimentaires. Bref un vaste travail de sécularisation de l’État turc qu’aujourd’hui Recep Tayyid Erdogan s’emploie à détricoter...