On ne réalise pas toujours l’importance du complotisme dans la mécanique terroriste. Elle vient souvent légitimer l’acte, elle lui donne un socle de justification. Et ces théories complotistes peuvent aussi participer à la radicalisation en amont de l’individu, avant qu’il passe à l’acte.
Alors il faut tout de suite préciser que tous les complotistes ne sont évidemment pas des terroristes en puissance. Cela dit, il y a très peu de terroristes qui ne sont pas déjà des complotistes.
On trouve des exemples à peu près dans toute l’étendue du spectre idéologique. Des suprémacistes blancs aux islamistes radicaux. Quand on lit le manifeste du terroriste Anders Breivik, qui je le rappelle avait tué 77 jeunes en Norvège en juillet 2011, il est truffé de références complotistes délirantes. Il était convaincu par exemple de l’existence d’un supposé plan coordonné de destruction du christianisme en Europe.
Du côté des islamistes radicaux de Daech, il suffisait de lire, par exemple, certains articles qu’ils publiaient dans leur magazine francophone de propagande en ligne, pour mesurer l’étendue des théories complotistes qu’ils propageaient. Comme par exemple, le fait que les écoles de la république seraient « corrompues par la judéo-maçonnerie ».
Et puis le terrorisme lui-même génère du complotisme
Et c’est ce qui s’est passé notamment après les attentats du 11 septembre 2001. On a tout un écosystème complotiste qui s’est mis en place après ces attentats, et qui a produit une myriade de narratifs complotistes, visant à remettre en cause, soit la réalité de l’événement (il n’y aurait pas eu d’avions dans le pentagone par exemple) soit la responsabilité de l’attentat qui reviendrait à l’administration américaine.
Parfois même pendant la séquence du déroulement de l’attentat. On parle alors de complotisme en temps réel ou simultané. Et c’est un phénomène qui s’est accentué ces dernières années, notamment à cause de l’émergence des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux, où l’on retrouve, une fois encore, les QAnons
Oui cette mouvance complotiste d’extrême droite née au États Unis, a été présentée par le FBI, dans un document publié durant l’été 2019, comme un risque terroriste potentiel pour la sécurité nationale. Le document du FBI prévenait d’ailleurs que, je cite : « les théories du complot vont émerger, se répandre avec le flux d'informations moderne, poussant certains groupes ou individus extrémistes, à commettre des crimes ou des actes violents ».
Quand on se rappelle de l’implication de certains QAnons dans les émeutes du Capitole en janvier dernier, on a la preuve que le complotisme peut nourrir la radicalité, et que plus sa diffusion est grande, plus on a de chance de voir survenir des actes violents.
* Tristan MENDES-FRANCE est enseignant dans le domaine du numérique et collabore à l’Observatoire du conspirationnisme